Plan
1. Introduction
Le développement durable allie une réflexion qui engage à la fois l’économie, l’environnement et l’humain, des actions à l’échelle locale, mais avec une incidence globale, et des gestes posés aujourd’hui qui porteront leurs fruits demain (Costermans, 2009).
Depuis la révolution industrielle occidentale et sa croissance économique exponentielle, les sociétés n’ont cessé de mettre en œuvre des politiques et des pratiques non soutenables à long terme. Nos sociétés ont, en effet, parcouru une double évolution (Pennequin & Mocilnikar, 2011) : avec un usage immodéré des ressources naturelles, les fortes avancées technologiques et scientifiques ont permis un enrichissement d’une rapidité sans précédent, en même temps que les notions d’épuisement des ressources naturelles, d’impacts irréversibles sur l’environnement se révélaient de plus en plus fondées.
Ce retour d’expérience renvoie à un projet individuel d’intégration de la Pensée durabilité dans la formation d’ingénieur par le module « Éco-Conception » dispensé en première année du second cycle dans la spécialité Management Industriel et Logistique (MIL), depuis 2018 pour un croisement des compétences acquises avec les ODD. La créativité et l’innovation seront au centre de la pédagogie engagée.
L’Intégration de la "Pensée durabilité" dans la réflexion et l’action de l’élève ingénieur permet une prise de responsabilité sociale tout en conservant une vision éthique, et en permettant et en accompagnant les changements nécessaires pour un « vivre ensemble demain ». L’objectif est de former des ingénieurs responsables envers la société (Baudrillard, 1975).
L’intégration de cette démarche dans la formation d’ingénieur en MIL par le module “Éco-Conception” permet en plus de l’instauration d’un sens civique de stimuler le comportement écologique de l’apprenant par trois niveaux de connaissance (Frick, 2007). Ceci conditionnera l’apprenant dès sa première année de formation d’ingénieur pour un changement de paradigmes (Pellaud, 2011) et une vision systémique des ODD et dès son entrée de parcours de formation. Évaluer pour anticiper et limiter l’impact sur l’environnement des produits qu’il concevra durant ses stages pratiques en entreprises, mais aussi après intégration du monde du travail renvoie à la finalité de la démarche.
L’ingénieur — acteur économique et sociétal de demain — doit être préparé au monde professionnel confronté aux nouvelles variables environnementales et différents défis se rapportant au développement durable, il requiert dans tous les cas que les considérations sociales, culturelles, économiques et écologiques, dans le temps et dans l’espace, soient intégrées simultanément dans ses réflexions et ses prises de décisions. Cela implique l’intégration des ODD dans les pratiques pédagogiques et de professionnalisation, développées dans le secteur de la formation d’ingénieurs, notamment dans la spécialité Management Industriel et Logistique (MIL) dispensée à l’École Nationale Polytechnique d’Oran (ENPO) et affiliée au département de Génie Industriel.
1.1. Problématique
La plupart des stratégies de développement et de croissance économique ont favorisé l’accumulation rapide de capital physique, financier et humain, au prix d’un épuisement et d’une dégradation excessive du capital naturel. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) rappelle que durant les deux dernières décennies peu de capitaux ont été investis dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, les transports publics, l’agriculture durable, la protection des écosystèmes et de la biodiversité et la préservation des sols et de l’eau (PNUE, 2011). Ce schéma de développement et de croissance porte atteinte au bien-être des générations actuelles et placera les générations futures devant des risques et des défis considérables.
« Seulement deux générations nous séparent de 2050, futur grand rendez-vous historique, puisque c’est dans la décennie 2050 que notre espèce devrait atteindre le sommet de sa courbe démographique et avec elle, la pression humaine sur les ressources et les écosystèmes de la planète devrait atteindre des niveaux inédits » (Griffon & Griffon, 2010, p. 9).
L’objectif de la démarche d’intégration des ODD dans les formations d’ingénieurs est de permettre à l’apprenant de se saisir de ceux-ci dans le cadre de son cursus, en proposant des outils et des modalités pour aller au-delà des pratiques actuelles et pour que le « développement durable » soit perçu, par lui, comme l’un des plus grands enjeux du XXIe siècle (Mailhes, 2010).
1.2. Démarche et méthode
Grâce aux outils de formation ou de pilotage de projets en lien avec les méta-compétences développement durable et responsabilité sociétale dont nous disposons déjà et acquises durant sa formation, l’ingénieur sortant pourra s’inspirer et/ou se référer pour intervenir, à long terme, dans les différents secteurs industriels destinés à l’accueillir pour devenir les actrices et acteurs de demain (Figure 1). À court terme, l’intégration de la Pensée durabilité dans la formation d’ingénieur orientera l’apprenant vers le montage de projets innovants et de projets en économie verte au profit de l’entreprise employeuse ou tutrice durant sa formation.
Les méthodes pédagogiques employées, entre cours en présentiel et activité professionnelle en entreprise, permettent un accompagnement de l’apprenant pour le montage de projets innovants et de projets en économie verte au profit de l’entreprise employeuse ou tutrice. L’idée du projet doit être validée par l’employeur ou le tuteur et le projet préparé sera évalué par les représentants des deux acteurs : l’établissement de la formation et le tuteur.
L’intégration de la Pensée durabilité permettra à l’apprenant d’acquérir les compétences nécessaires aux choix éclairés dans un monde complexe, évolutif tout en interrogeant systématiquement sa responsabilité individuelle (en tant que personne) et collective (en tant qu’organisation productive).
1.3. Objectifs
L’objectif de l’intégration de la Pensée durabilité dans la formation d’ingénieur en MIL, comme illustré dans la figure N° 2, en plus de l’instauration d’un sens civique au niveau des apprenants, est de stimuler le comportement écologique de l’apprenant par trois niveaux de connaissance (Frick, 2007), à savoir :
– La compréhension des problèmes
– La connaissance des solutions pratiques
– La capacité d’évaluer et de hiérarchiser l’impact de chaque action engrangée.
L’élève ingénieur sera pionnier dans son domaine d’exercice et, par effet de contamination positive, participera au changement des représentations sociales dans l’évolution de la société. C’est ce que Rogers E. (cité par Nature Humaine, 2009) qualifierait d’« innovateur » ou de « adoptant précoce ».
Les objectifs ODD directement visés par cette démarche sont : une énergie propre et renouvelable (n° 7), une croissance économique (n° 8), une industrie innovante (ODD n° 9), une consommation et production responsable (n° 12) et un partenariat pour la réalisation des objectifs (n° 17) . Il va sans dire que l’atteinte de ces objectifs renverra inévitablement à la réalisation des douze autres objectifs restants.
2. Intégration de la Pensée durabilité dans la formation d’ingénieur en MIL
L’école nationale polytechnique d’Oran — Maurice AUDIN — (ENPO-MA) à lancé, dès la rentrée universitaire 2017/2018, une nouvelle spécialité d’ingénieur s’inscrivant dans la filière Génie Industriel (GI) et portant sur le Management Industriel et Logistique (MIL).
(Source : Google Maps, 2021)
Le département de génie industriel a pour mission d’assurer et de promouvoir l’enseignement et la recherche dans les domaines de l’industrie fondamentale et appliquée. Sa mission est de former les étudiants ingénieurs dans les disciplines de l’industrie, l’entrepreneuriat et l’innovation.
Cette spécialité a comme objectif la prise en charge des besoins inhérents au secteur socio-économique en formant des ingénieurs capables de concevoir, intégrer, gérer, exploiter et améliorer les systèmes de production et de logistique pour optimiser les performances de l’entreprise.
Les futurs ingénieurs en management industriel et logistique peuvent intervenir dans de nombreux secteurs d’activités à l’instar de l’industrie automobile en plein essor au plan régional et national, l’aéronautique, l’énergie, la mécanique, l’agroalimentaire, la logistique portuaire...
La première promotion sortante de la spécialité a été diplômée en 2020 et a connu un taux d’employabilité avoisinant les 90 %.
2.1. Présentation
Ce retour d’expérience renvoie à un projet individuel d’intégration de la Pensée durabilité dans la formation d’ingénieur par le module « Éco-Conception », assuré par nos soins, et dispensé en première année du second cycle dans la spécialité MIL, depuis l’année universitaire 2018-2019 pour un croisement des compétences acquises avec les ODD. La créativité et l’innovation seront au centre de la pédagogie engagée.
Le Génie Industriel englobe la conception, l’amélioration et l’installation des systèmes intégrés. Il utilise des connaissances provenant des sciences mathématiques, physiques et sociales, ainsi que les principes et méthodes propres au « génie » ou à « l’art de l’ingénieur », dans le but de spécifier, prédire et évaluer les résultats découlant de ces systèmes. Sa mission principale est d’éliminer les pertes de temps, d’argent, de matériaux, d’énergie et d’autres matières premières des organisations. En adoptant une approche systémique pour rationaliser et améliorer la productivité et l’efficacité des organisations.
(Source : établi par l’auteure)
Les outils et méthodes employées favorisent la conception, la mise en place et l’amélioration de tous les systèmes de production et de logistique auxquelles l’ingénieur sera confronté, de manières générales, et plus particulièrement la prise en compte systématique et systémique des enjeux environnementaux et des ODD afin de former des acteurs économiques conscients et soucieux des enjeux locaux et globaux du DD ; il s’agit de produire des ingénieurs responsables envers la société (Baudrillard, 1975).
C’est par ces actions collectives, systémiques et prospectives que doivent être formés les ingénieurs/acteurs d’aujourd’hui et de demain pour une prise de responsabilité sociale tout en conservant une vision éthique, et en permettant et en accompagnant les changements nécessaires pour un « vivre ensemble demain ».
2.2. Éco-conception et liens avec les ODD
Les scientifiques s’intéressent à l’environnement au travers des préoccupations propres à leur discipline d’origine. Du point de vue des gestionnaires et des responsables politiques, « l’environnement est un problème épineux. Il les pousse à revoir leurs pratiques, à prendre en compte de nouvelles exigences dans les décisions, à jouer la transparence et la concertation avec les citoyens, à veiller à des engagements internationaux » (Leveque, 2005, p. 76). La dynamique de l’environnement s’inscrit dans le long terme alors que l’économie et la politique raisonnent à courte échéance.
Il est nécessaire de rappeler que l’environnement : « est système interactif complexe dont personne n’a le monopole et que seule une approche interdisciplinaire peut appréhender » (De Backer, 1998, p. 29-31). C’est l’écosystème planétaire que l’activité humaine peut soit dégrader (par leurs industries, services, distributions, rejets des ménages), soit améliorer.
Alors que nous n’étions que 2,5 Milliards de locataires sur la planète, aujourd’hui, les 7 milliards de consommateurs que nous sommes, aujourd’hui, atteindront les 10 milliards en 2100 ! Ceci aura pour conséquence une forte pression sur les besoins en nourriture, en énergie, en ressources et matières premières, en biens de consommations courantes...
L’éco-conception est une approche en développement depuis les années 1990. Elle est basée sur la reconnaissance du fait que tout produit ou processus a un impact environnemental. L’éco-conception intègre les principes de Prévention et de Précaution et porte sur tous les sites et étapes de production, transport, usage et élimination sur le produit ou service, mais aussi sur les emballages, commodités de transport, d’usage et de recyclage, l’utilisation de produits toxiques, explosifs, dangereux...
L’éco-conception n’est pas une nouvelle méthode de conception, mais l’intégration de l’environnement dans les méthodes classiques de conception.
L’ISO 14062 est le standard normatif de l’éco-conception : cette norme décrit les concepts et les pratiques ayant trait à l’intégration des aspects environnementaux dans la conception et le développement de produits ou services. Cette norme est principalement destinée aux concepteurs et développeurs de produits. Elle énonce les principes de base pour prendre en compte l’environnement lors de la phase de conception de produits.
Le choix d’intégration de la Pensée durabilité dans la formation d’ingénieur dans le module “ Éco-Conception ” s’est opéré pour deux raisons. La première est que celui-ci est dispensé en première année du second cycle. Ceci conditionnera l’apprenant dès sa première année de formation d’ingénieur pour un changement de paradigmes (Pellaud, 2011) et une vision systémique des ODD et RS. La seconde renvoie aux pourquoi d’une réflexion sur l’éco-conception, c.-à-d. à "la Démarche innovante permettant la prise en compte de l’environnement dès la phase de conception d’un produit/service afin d’en diminuer les impacts tout au long de son cycle de vie : de l’extraction de la matière première jusqu’à la fin de vie du produit” (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie [ADEME]).
(Source : établi par l’auteure)
Ceci permettra à l’ingénieur en MIL d’évaluer pour anticiper et limiter l’impact sur l’environnement des produits qu’il concevra durant tous leurs cycles de vie depuis l’extraction des matières en passant par la fabrication, la distribution, l’utilisation et la maintenance pour finir par l’élimination du produit. La finalité étant de former des ingénieurs responsables envers la société.
3. Conclusion
C’est par ces actions collectives, systémiques et prospectives que doivent être formés les ingénieurs/acteurs d’aujourd’hui et de demain pour une prise de responsabilité sociale tout en conservant une vision éthique, et en permettant et en accompagnant les changements nécessaires pour un “vivre ensemble demain” car “la meilleure façon de prédire l’avenir est de le créer” (Drucker P.)
Enfin, l’intégration de la Pensée durabilité dans les formations d’ingénieurs nécessite un changement structurant à long terme des systèmes socioéconomiques, ainsi que des changements de comportements individuels et collectifs tant dans les rangs des formateurs (enseignants de l’ENPO) que dans celui des apprenants (élèves ingénieurs).