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La fracture numérique : une fatalité ? Focus sur les pays francophones
En mars 2018, il a été annoncé que la France allait rattraper son retard en matière d’Intelligence artificielle, et d’économie numérique en général. Que c’était une question d’équilibre mondial. Cette initiative rappelle un retard que les pays francophones doivent assez généralement rattraper par rapport aux pays anglophones tirés par les Etats-Unis, et maintenant par les pays asiatiques aussi (Japon, Chine).
Mais il y a un autre retard qui semble aussi structurel et qui se joue à l’intérieur des pays francophones même. L’expression « fracture numérique » a été longtemps mise en avant pour alerter sur les inégalités de taux de pénétration d’Internet ou d’abonnement au téléphone cellulaire. Actuellement, force est de reconnaître que son sens s’est alourdi, car la fracture numérique touche à l’exploitation et à l’usage des Technologies de l’information et de la communication.
Par rapport à la durabilité sociale, cette fracture interpelle. Car elle a le potentiel de la freiner. Elle interpelle doublement quand on constate l’importance des innovations basées sur le numérique, ayant des objectifs de développement durable. Est-ce que la technologique numérique évoluée est fatalement appelée à reproduire les inégalités qui minent certaines économies ?
En s’appuyant sur les dernières publications (2016, 2017) des Institutions observant et promouvant le développement des capacités des individus et des entreprises par les TIC (Banque mondiale, OCDE, UIT), ce travail est une contribution à caractériser les avancées et les défis relatifs à l’économie numérique et à la fracture numérique dans les pays francophones. Cette caractérisation plaide à rejeter l’idée de fatalité et argumente, que pour le moment, réduire cette fracture relève d’un défi dont on a identifié les leviers : le prix de la connexion nécessaire à la création de valeur.
Différents rythmes de transition des pays francophones
La Banque mondiale a développé deux indices pour suivre la transition de l’économie d’un pays vers l’économie numérique, il s’agit de : l’indice d’adoption du numérique (IAN) et l’indice d’avancement des compléments analogiques (IAC). Leur croisement montre différents rythmes au sein des pays francophones. L’IAN capte et accorde la même valeur à l’adoption du numérique par les individus, les entreprises et les administrations.
IAN numérique = IAN entreprises + IAN individus + IAN administrations |
Dans un contexte où il est habituel de comparer les pays en termes de critère numérique, cette étude de la Banque mondiale apporte un éclairage sur le court terme. L’IAC représente un socle qui complète l’adoption du numérique et dont le rôle est primordial, voire incontournable. Le complément analogique est formé :
– des réglementations qui permettent aux entreprises de se connecter et d’affronter la concurrence,
– des compétences que les technologies améliorent au lieu de les remplacer,
– et des institutions capables et responsables.
Force est de constater que l’écart est effectif entre les pays à 0,9 comme la Suisse et le Canada et ceux à moins de 0,3 comme le Cambodge et Haïti.
Des pays francophones actifs en matière de numérique
Pour sa part l’UIT a développé l’indice de développement numérique (IDI). En 2017, deux pays francophones se trouvent dans le TOP 10. Et Quelque 20 pays francophones ont amélioré leur performance de 2016 à 2017.
Fracture numérique dans la création de valeur
Les réalisations en matière d’innovation par et à l’intérieur du numérique foisonnent dans notre quotidien. Mais un consensus se dégage quand à l’existence d’un fossé entre les attentes et le potentiel reconnu du numérique. Ce consensus peut se baser sur l’accessibilité en termes de prix et d’usage, relié profondément au débit et à la mobilité d’Internet.
Globalement, l’utilisation d’Internet progresse de manière significative comme le montre la figure 4. Mais les figures qui lui succèdent (6 et 7) mettent en exergue la fracture en termes de prix d’accessibilité. Pour une meilleure visibilité, les données ont été traitées par région géographique
Le traitement des données publiées durant la période de 2016-2017 va dans le sens des sensibilisations promues par les institutions internationales : la persistance et l’évolution de la fracture numérique constitue une menace pour des milliards de personnes souffrant déjà d’inégalités, que l’économie numérique risque de renforcer. Cependant, la progression en termes d’adoption du numérique est extraordinaire (par rapport à d’autres technologies utilisées dans la lutte contre la pauvreté) si bien que la fatalité n’est peut-être pas de mise. L’expression « défi à relever » semble appropriée !